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L'ART DE DONNER L'ENVIE D'APPRENDRE

Socle de Pédagogie, donner l'envie d'apprendre est vraisemblablement un des objectifs les plus difficiles à atteindre en formation.



Envie d'apprendre et étymologie du mot "Savoir"...

Un peu d'étymologie ne fait jamais mal ... et mon ancienne professeure de latin-grec serait ravie de cette référence de ma part, elle qui m'en a tant voulu d'avoir abandonné les langues mortes en terminale ! Connaissez-vous l'étymologie du mot "Savoir" ?

Le mot "savoir" vient du latin SAPERE - "avoir du goût"- "exhaler une odeur" - "sentir par le sens du goût" et, au figuré - avoir du discernement, du jugement, être sage. La pédagogie désignerait ainsi l'Art de donner du goût ? Etre pédagogue pour donner de la saveur... aux savoirs.

La Pédagogie, l'Art de donner du goût ?

Pour donner l'envie d'apprendre, le pédagogue pourrait être, en quelque sorte, un cuisinier chargé de relever les saveurs et de délivrer les goûts. Formateurs, consultants, sortez ustensiles et tabliers, épices et condiments pour révéler votre pédagogie et ainsi donner l'envie d'apprendre...

Thierry Tournebise est un des auteurs qui a illustré cette métaphore : "La pédagogie est l'art de donner le goût, l'art de relever les saveurs. Un cours ou une formation devraient être comme un bon moment dans un bon restaurant gastronomique où de nouvelles saveurs sont délicatement et délicieusement explorées grâce à l'art du Chef" (...) "Délivrer du savoir sans se soucier de ces délicatesses, c'est un peu comme si, sous prétexte de faire en sorte que les gens soient nourris, on leur donnait du pain et des granulés vitaminés. On aurait alors la conscience tranquille car ils auraient "tout ce qui leur faut" pour calmer leur faim et nourrir leur corps". - extrait de Pédagogie - L'art du savoir et de la saveur - Thierry tournebise.

Pourquoi donner l'envie d'apprendre est-il important ?

Nous le savons tous, un des moteurs de l'apprentissage est la motivation de la personne.

Pourtant, les dispositifs de formation ne favorisent pas toujours au départ la motivation de salariés ou autres apprenants à effectuer une formation car l'adhésion à la formation n'est pas toujours recherchée en interne dans une entreprise ; son sens, ses buts ne sont pas toujours expliqués ou compris. De nombreux actes peuvent être posés en amont pour créer l'envie de venir en formation puis l'envie d'apprendre (voir en ce sens plusieurs billets PedagoForm : l'individu, acteur de sa formation et les billets relatifs à l'ingenierie de formation).

Une fois la formation effectuée, vous pouvez retrouver un stagiaire qui vous explique tout ce qu'il a pu tenter de mettre en pratique suite à la formation ou un autre qui souhaite reprendre contact avec vous pour vous dire combien la formation était motivante, elle lui a donné un nouvel envol.

De même, en fin ou en cours de formation, des salariés peuvent définir les pistes de leur prochain travail, se sentant investis de nouvelles données et désireux de continuer d'apprendre ; une équipe se sent de nouveau dans l'envie d'oeuvrer dans un sens ou sur un point donné. Des stagiaires font part de l'idée qu'ils ont envie de d'explorer par eux-mêmes, qu'ils se sentent motivés.

Dans les formations longues, suivies et personnalisées, cette motivation est parfois visible aux efforts et résultats fournis par l'apprenant.

Parfois ces individus étaient motivés dès le démarrage. Pour d'autres, il aura fallu créer l'envie d'apprendre pour parvenir aux mêmes buts et chercher les raisons de l'absence de motivation de départ. Mais alors, comment créer l'envie d'apprendre ?


Redevenons sceptiques un instant sur l'envie d'apprendre...

Donner l'envie d'apprendre est, il faut le dire, un but difficile à atteindre. Il résulte d'une alchimie fine : la confiance apprenant-formateur, des objectifs de formation posés, clairs, contractualisés, l'approche pédagogique, l'attention portée à la personne, la manière dont elle est valorisée, mais aussi évaluée pour mesurer ses acquis... Mais donner l'envie d'apprendre ne résulte cependant pas de toute cette alchimie exclusive...

Redevenons alors un peu sceptiques : - Avez-vous déjà tenté de donner l'envie d'apprendre à des jeunes qui ont entre 16 et 25 ans, accompagnés par une mission locale, qui essaient de trouver un emploi, multipliant démarches et formations pour une qualification et éprouvant déjà bon nombre de difficultés dans le démarrage de leur vie d'adulte ? - Avez-vous essayé de donner l'envie d'apprendre à des personnes qui gardent un trés mauvais souvenir de leur parcours scolaire et pensent que la formation va automatiquement leur rappeler leurs difficultés scolaires passées ? - Avez-vous tenté de donner l'envie d'apprendre à des aides soignantes en plein épuisement professionnel ? - A des jeunes en BTS quand l'effectif de la classe a été fixé à 30 élèves minimum ? Non, d'expérience, il n'est pas facile de donner l'envie d'apprendre.

Il nous faut pour cela d'une part, réaliser le cadre du travail qui est donné pour commettre l'acte de formation, mais aussi re-visiter nos concepts pour mieux comprendre et mieux nous aider dans cette réflexion.


Revisitons nos concepts pour comprendre les limites de l'envie d'apprendre...

Pour comprendre les limites de l'envie d'apprendre, on peut se référer au concept d'"apprenance" développée par Philippe CARRE qui re-situe les composantes de l'apprenance constituée à la fois :

-d'une composante affective, le plaisir d'apprendre,

-d'une composante cognitive, la représentation positive du savoir et de la formation,

- et d'une composante conative, la propension à se former favorisant l'effort d'entreprendre d'apprendre.

Le cadre de ce billet est trop court pour re-situer les différents paramètres de l'apprenance mais retenons l'idée principale selon laquelle la motivation de la personne ne dépend pas exclusivement de l'art du formateur ou de l'intervenant de donner l'envie d'apprendre.

Ce formateur, cet intervenant, peut déployer des trésors de pédagogie pour donner l'envie d'apprendre mais il ne doit pas pour autant se rendre coupable de la non-atteinte de cet objectif, qui ne dépend pas exclusivement de ses talents de pédagogue : l'envie d'apprendre est a priori subjective, même si elle peut être favorisée par le formateur ou le consultant. Au mieux, il revient à ce dernier de ne pas créer le dégoût d'apprendre...


De l'envie d'apprendre au dégoût d'apprendre...

Car le formateur, l'intervenant, le conférencier peut aussi créer le dégoût d'apprendre.

Dans son article relatif à l'art du savoir et de la saveur, Thierry Tournebise écrit "Le pédagogue donne de la saveur. Il est en quelque sorte le sel de la connaissance. Je me souviens par exemple, avant d'entrer au collège avoir eu un profond engouement pour l'Egypte Ancienne. J'avais envie d'étudier, de savoir, de découvrir cette civilisation qui me paraissait fascinante. Pourtant mon professeur d'histoire de ce début d'études secondaires parvint à me dégoûter de ce sujet, et même, c'est bien dommage, de l'histoire en général.

C'est particulièrement fort de, non seulement ne pas donner de goût supplémentaire, mais de faire disparaître le goût déjà existant. Une sorte de contre pédagogie d’une « efficacité redoutable » si le but était d’éloigner de la connaissance celui qui avait le souhait de s’en rapprocher.".

Dans la relation pédagogue-apprenant, transmettre un savoir n'est pas tout...

Susciter le goût d'apprendre peut être favorisé par :

- le respect des rythmes d'apprentissage (et non pas le respect d'un programme, d'un timing, ou d'un contenu pédagogique à tout prix)

- l'attention à l'Autre et la recherche de ce qui peut l'intéresser pour mieux apprendre (car ce qui est forcé est souvent rejeté tôt ou tard),

- par le fait de proposer de manière humaine,

- de valoriser à sa juste mesure,

- de favoriser autonomie et liberté de l'apprenant, dans un cadre préalablement défini

- d'envisager la créativité comme mode de transmission

- d'expliquer le sens de la formation, d'un parcours

- de contractualiser aussi certains pans ou objectifs de formation pour créer une adhésion, lorsque le cadre de formation le permet...


Cela passe également par le souhait pour le formateur ou le consultant de partager et de transmettre sa science, sa discipline, la chose pour laquelle on forme, on enseigne, on intervient... avec une plus ou moins grande passion (!), une plus ou moins grand envie, une plus ou moins grande conviction... Avoir envie soi-même avant de donner l'envie à l'Autre...

... juste un petit billet de plus pour prendre du recul sur nos pratiques et nous permettre de réfléchir....




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