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Pédagogie, l'art de maitriser son Savoir


Il était une fois un Expert qui détenait un Savoir. De l'Expert, les apprenants espéraient le Savoir, mais l'Expert, démuni de toute Pédagogie, ne parvenait pas à transmettre son Savoir.


L’activité de formateur est souvent une activité choisie. Dans ses premières intentions, le formateur cite souvent l’envie de « transmettre son savoir ». Il est reconnu dans un champ d’expertise ou bien il se reconnaît dans un champ d’expertise, une science, un domaine d’activité et il y associe l’envie de « donner à autrui », de faire partager cette science, son métier, sa compétence, son approche… Pour certains, le dessein, parfois inavoué, de transmettre leur propre passion est le moteur de l’activité de formation. L’activité de formation repose en effet sur cette première intention, qui en constitue le socle.


Cependant, certains formateurs s’arrêtent quelquefois à cette première intention, certes louable, mais non suffisante pour parvenir à une formation. C’est pourquoi il convient de s’interroger vraiment sur ce que représente la formation aux yeux du formateur : la formation ne constitue-t-elle qu’une transmission de savoirs, de savoir-faire ou de savoir-être ? Et ne s’arrête-t-elle qu’à cela ? Si vous êtes un expert, vous détenez un Savoir et dans une situation de face-à-face pédagogique, vos apprenants espèrent votre Savoir. Mais il ne suffit pas à lui seul et pour transmettre ce Savoir, il convient souvent d’être guidé par la Pédagogie.


La Pédagogie, si elle peut être envisagée comme un Art, constitue en effet, avant tout, l’art de maitriser son Savoir.


Pour le formateur ou le consultant, le Savoir est matière première. Il est sa matière, le matériau à partir duquel il réalise son travail pour contribuer à une trans-formation pour un individu, pour un groupe d'individus ou des organisations. Ce savoir est son matériau, son socle, qu'il a lui-même construit après plusieurs années d'études, à travers une ou plusieurs expériences professionnelles en rapport avec ses études, en développant connaissances et compétences plus ou moins éloignées ou complémentaires de ce savoir, ce matériau. Le Savoir est sa pierre, celle qu'il a façonnée au fil des années. Tout au long de son parcours, le formateur pourra progressivement maitriser son Savoir. Il le maitrisera, bien sûr, en continuant à augmenter le volume et la compacité de cette matière, de cette pierre, en y ajoutant nouvelles expériences, nouvelles connaissances et enrichissements.



Mais il devra surtout le "maitriser" en façonnant sa pierre des années durant, et en apprenant à "dompter" son savoir. Il devra le maitriser en le concevant véritablement comme une matière : le découper, le ciseler, en rassembler les morceaux, y ajouter d'autres matériaux, le remodeler, le reconstituer, le sculpter, lui donner un nouvel aspect, le polir.... En effet, le consultant, le formateur ne doit pas se contenter d'enrichir son savoir, la science, la discipline, pour laquelle il forme, il enseigne, il intervient ; il ne peut le transmettre "à l'état brut", comme il lui a été enseigné ou comme il l'a appris lui-même ; il devra adapter les composantes et les couleurs de son savoir et le façonner sous le prisme de l'apprenant.



Si le Savoir est transmis en son "état brut", le formateur ou le consultant court en effet le risque de ne jamais capter l’apprenant. Ainsi, j'ai récemment rencontré un formateur qui débute dans le face-à-face pédagogique : il fait "ses premiers pas" et reconnait commettre des erreurs. Les erreurs sont expériences, les erreurs sont formatives. Il commence à s'interroger sur ce qu'il doit faire de son Savoir, celui qui l'a mis lui-même de nombreuses années à acquérir et à consolider. Il admet le transmettre, "comme d'autres lui ont transmis", ou "comme il le sent", un peu en l'état brut, sans l'avoir vraiment travaillé au préalable. Il admet qu'il s'accroche à son savoir, démuni encore de toute pédagogie et cela se traduit premièrement par le fait qu'il a du mal à se détacher de ses notes, il reste encore trop sur son écrit, sur ce qu'il souhaite lui-même dire et expliquer, sans prendre le temps de "regarder" les apprenants.


Indubitablement oui, il court un risque, le risque de perdre ... les apprenants. Mais alors comment faire ? Tout d'abord, il peut être utile d’apprendre à se détacher progressivement de son Savoir. Comme cela est souvent le cas dans les débuts d'un formateur, par méconnaissance de bon nombre de moyens, outils et techniques de pédagogie, lorsqu'on se sent en difficulté, on se raccroche à son savoir, sa seule valeur refuge. Or, le savoir n'est pas transférable en l'état pur : il doit pouvoir être relié à l'apprenant (qu'est-ce qui est important ou non pour cet apprenant ? Comment trouver les mots pour lui expliquer ?...). Accroché à ce savoir, le formateur, l'intervenant, peut également se sentir frustré, en fin de journée, en fin de formation, car il n'a pas pu "tout dire" à ses apprenants, il n'a pas eu le temps de "tout faire" comme prévu, il ne se sent pas bien à l'idée d'avoir du amputer des parties de son programme...



Mais il est bien entendu utopique de synthétiser en 21 heures de stage ce qu'on a mis pratiquement 10 ans ou plus à acquérir soi-même et la formation n'est pas une synthèse de cours, il convient d'en prendre conscience... Plus il formera, plus il interviendra, plus le formateur devra se détacher de son Savoir, prendre de la distance pour mieux le livrer. Puis, le formateur peut apprendre à rendre clair son Savoir. Il ne faut pas non plus omettre que chaque intervenant, chaque formateur court le risque d'assombrir son savoir sans l'avoir préalablement refaçonné car les informations ne peuvent qu'être sombres aux yeux des apprenants qui n'ont pas le raisonnement, les logiques de ce Savoir comme clés de lecture. Eclairer son Savoir et ne pas l'assombrir aux yeux de l'apprenant... Pour qu'ils aient une bonne clé de lecture en partant de l'oeil de l'apprenant, j'invitai ce formateur à reconstruire son intervention, à refaçonner son savoir, à classer ses idées, à organiser sa pensée autrement : en classant, en organisant, en regroupant les idées, les informations seront plus transparentes, plus compréhensives, plus accessibles, moins "scientifiques". Et me vint ainsi l'idée de lui parler de son Savoir comme son matériau, sa pierre. A chaque fois qu'il formera, à chaque fois qu'il interviendra, il devra déconstruire son Savoir pour le reconstruire avec un classement, un plan, une progression différents et variables selon le public concerné, le contexte de la formation, les contraintes de temps, les exigences d'un cahier des charges... pour le rendre, clair, accessible, le vulgariser.


Savoir actualiser son Savoir et ne pas se lasser de son Savoir peuvent également constituer d’autres clés. En effet, en se quittant, je m'interrogeais encore sur ce rapport du savoir au formateur et, un peu comme une voyante, je cernais déjà son futur... l'avenir de son Savoir et les effets du temps sur son Savoir... Car en effet, le Savoir vieillit : ce formateur ne devra pas oublier de se renseigner, de se mettre en veille, d'actualiser son Savoir pour que ce dernier soit toujours en accord avec les pratiques des apprenants. Il devra se mettre régulièrement en veille, assister à des colloques, parcourir des lectures car s'il le laisse brut et en l'état, son Savoir vieillira.


Puis, sur cet instant, me sont également revenues en mémoire mes propres expériences dans mon rapport au savoir et la lassitude que j'ai pu ressentir, il y a quelques années, à l'égard d'un Savoir. A trop traîner ses guêtres dans un même endroit, dans un même domaine ou avec un public de professionnels semblables, l'envie de transmettre son Savoir peut s'étioler et l'intervenant peut prendre le risque de se lasser de son Savoir.


Renouveler ses savoirs, peut-être une autre clé... Cela vous est peut-être arrivé ? Je me souviens en effet avoir été retenue dans le cadre d'un gros appel d'offres relatif à une formation. Il s’agissait d’une formation relative au secret professionnel en secteur social. Le dispositif de formation était d'une durée importante, j'ai rencontré de très nombreux travailleurs sociaux, chaque groupe était différent, les questions étaient diverses mais à un moment donné, je parvenais à déceler, par rapport à ce thème, toutes les remarques ou idées que les apprenants allaient me formuler (et je ne me trompais pas), j'anticipais remarques, réactions et réflexions sur des temps-clés.


A des moments stratégiques de la formation, les mécanismes de raisonnement étaient identiques et tout à fait prévisibles de ma part. Certes, cela était rassurant, je maitrisais très certainement ce Savoir à l'époque, mais je me lassais de cette formation et au final, je n'avais plus de plaisir.


Il est enfin important de croire en son Savoir car, au bout de plusieurs années, parce que nous changeons nous-mêmes, parce que nous évoluons et parce que nous traversons des moments de vie, nous pouvons douter du Savoir et finalement trouver complètement stupides ou dénués de fondements une théorie, une idée, un précepte ou un concept que l'on trouvait géniaux ou même innovants 10 ans en arrière ! Lorsqu'on est formateur, il est important de CROIRE en ce que l'on dit, ou autrement dit encore, il est important, en tant que formateur ou intervenant, d'"avoir la foi" en ce que l'on dit. A défaut, le doute est ressenti par l'Apprenant. Et si le formateur ou le conférencier doute de son Savoir, ou d'une partie de son Savoir, sa posture n'est pas du tout aisée.


Actualiser son Savoir, ne pas se lasser de son Savoir, croire en son Savoir... La Pédagogie est-elle un Art ? Peut-être l'Art de façonner, détourner, détruire puis reconstruire son savoir pour le "maitriser", et ainsi, comme l'Artiste ou le sculpteur, rendre la pierre belle et précieuse.


@PedagoForm - Extrait de "Pédagogie l'Art de... LES CLES DE LA PEDAGOGIE" - Valérie GABILLARD

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